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Le soleil | Sénégal | 21/11/2009 | Lire l'article original
Pour Jean-Pierre Guengant, démographe, qui prend part à cette conférence internationale sur la Planification familiale, « il faut 100 ans pour réaliser la révolution contraceptive en Afrique ». Et cela s’explique par le fait que les programmes de Planification familiale évoluent lentement dans les pays africains. Poursuivant son analyse, il déclare que la prévalence contraceptive n’augmente que de 0.5% par an en Afrique. « Si un pays a 10% de prévalence contraceptive et que les besoins non satisfaits sont de 25%, il lui faudra 50 ans pour satisfaire ces besoins non satisfaits », lâche-t-il.
Pourtant, souligne le spécialiste, les enquêtes démontrent qu’entre 15 et 30% des femmes préfèrent utiliser une méthode contraceptive. C’est le cas au Sénégal où les besoins non satisfaits sont estimés à 31%, en Ouganda où ils sont de 41%. Elles souhaitent ainsi espacer les naissances, mais n’utilisent pas de produits contraceptifs. M. Guengant avance plusieurs raisons pour justifier les causes de ces besoins non satisfaits en Planification familiale. Selon lui, la disponibilité des services et l’accessibilité des produits contraceptifs constituent les premières barrières qui se dressent au désir de beaucoup de femmes à vouloir réguler la naissance de leurs enfants. L’autre justification qu’il brandit est plutôt sociale. Elle est relative à la prééminence de la belle-famille qui ne voudrait point qu’une femme fasse de la contraception.
Raisons multiples
Ce qui fait dire au démographe Jean-Pierre Guengant que « ce n’est qu’en Afrique où il y a un déni de l’accès à la Planification familiale et un déni des droits reproductifs des femmes. C’est le mari, la belle-famille qui décident ». Citant l’exemple du Niger, il indique que dans ce pays, 40% des femmes n’ont pas d’opinion sur la Planification familiale. « Elles ne disent rien. Elles pensent qu’elles n’ont pas le droit de s’exprimer sur ce sujet ». Donc, « il y a un double déni d’accès à l’information et aux services ».
Et si on en est encore à ce stade, depuis 40 ans qu’on parle, c’est parce que la Planification familiale n’est pas débattue sur la place publique. En effet, constate le chercheur, dans les pays où les questions de Santé de la reproduction sont débattues sans tabou, les programmes marchent. Et il cite l’exemple de Madagascar qui est une référence en matière de pratique contraceptive. Selon lui, si cela marche dans la Grande île, c’est parce que certains éléments ont été déterminants. Notamment un plaidoyer au niveau national, une volonté politique fortement exprimée et suivie par les bailleurs de fonds, une disponibilité régulière des services et produits contraceptifs (il n y a jamais de rupture dans l’approvisionnement en produits).
Les résultats d’une telle stratégie sont tangibles. Car, « en quelques années, 30% des femmes utilisent une méthode moderne de contraception et 10% une méthode traditionnelle, soit un total de 40% à Madagascar ».
Les autres modèles en Afrique sont le Ghana et le Kenya qui font partie des premiers pays à adopter des programmes de Planification familiale dans les années 70. « Mais, il n’y a pas eu de continuité dans les efforts. Sinon le Ghana serait aujourd’hui à 60% », regrette le démographe Guengant qui estime que le concept de Santé de la reproduction doit être intégré. « La santé de la mère doit être intégrée pour que la Planification familiale soit un programme global. Et cela nécessite des campagnes d’information, de sensibilisation pour que les droits des femmes soient respectés et non occultés », plaide-t-il avant de fustiger l’implication des « leaders traditionnels qui n’ont pas intérêt à ce que les femmes fassent de la contraception ». Alors, « qui va oser critiquer ces leaders pour que cela change », s’interroge Jean-Pierre Guengant.
De notre envoyée spéciale en Ouganda Maïmouna GUEYE
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