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Le quotidien | Sénégal | 26/11/2009 | Lire l'article original
Centre de santé Gaspard Camara. L’entrée grouille de monde. Les quelques taxis et autres véhicules particuliers garés devant la porte d’entrée bloquent la circulation en cette matinée ensoleillée. Un agent préposé à la sécurité filtre les entrées. Il faut décliner d’abord les raisons de sa visite pour pouvoir accéder à l’intérieur. Dans les environs, des éboueurs s’évertuent à rendre les lieux propres. Après la porte d’entrée, on est obligé d’emprunter une autre qui mène directement vers le hall, les bureaux et les salles de consultations. Dans le hall, certains sont couchés sur les estrades qui servent de bancs, d’autres les visages un peu tristes attendent sagement leur tour chez le médecin. Une femme, en blouse blanche, quelques bouts de papier entre les mains, appelle à tour de rôle des patients.
Les lieux respirent un air morose. Une haleine de tristesse semble souffler partout dans ce hall. La dame, de teint clair, s’appelle Madame Sy et elle est adjointe au médecin chef de ce district sanitaire de Grand Dakar. Elle n’est «pas habilitée» à parler de la question relative à la grippe en l’absence de son chef. Docteur Ndiaye, est absent pour les raisons d’un séminaire.
Mais, quand on parle de la grippe, certains patients ou leurs accompagnateurs semblent être un peu éberlués. Ils ignorent presque tout de cette pandémie. Pourtant, cette épidémie de grippe A est en train de faire des ravages en occident. Chaque jour, cette maladie infectieuse se propage dans les lieux publics quelque part en Europe où l’on signale même de nombreux cas de décès. Pis, des pays comme la France, ont fermé plusieurs de leurs établissements scolaires.
Pendant ce temps, l’Afrique au Sud du Sahara semble être épargnée par cette épidémie. Aucun cas de grippe A n’est encore signalé dans le continent noir en général et au Sénégal en particulier. Mais, cela ne veut pas dire que la grippe, les Africains ne la connaissent pas. Ils sont touchés mais sous une autre forme : la grippe saisonnière.
Awa Diop accompagne son enfant de 12 ans venu pour des consultations. Depuis deux jours ce garçon souffre d’une maladie dont sa mère ignore les causes et la nature. «Depuis hier, il a une forte fièvre et je me suis dit peut-être qu’il est grippé. Je suis venue voir le médecin pour en savoir plus», indique cette dame, la quarantaine bien sonnée. Le hic, c’est que Mme Diop entend toujours parler de la grippe A à travers des médias mais ignore tout sur cette pandémie. Pour elle, son fils présente les symptômes d’un paludisme. Elle ne croit pas que cela puisse être une grippe.
Si la dame Awa Diop ignore beaucoup de choses sur la Grippe A, ce n’est pas le cas pour sa voisine de banc. Vêtue d’un grand boubou bleu ciel, Ndèye Marième suit bien l’évolution de cette pandémie. Dans un français bien maîtrisé, cette femme dit suivre tous les soirs les informations sur les chaînes européennes. «C’est à travers les infos que j’ai su l’ampleur de cette maladie. J’ai appris qu’il y a eu plusieurs cas de décès dus à la grippe A en Europe. Je prie pour que cette épidémie ne se propage pas en Afrique», dit-elle. Seulement, Ndèye Marième semble être un peu inquiète pour sa maman qui est partie à la Mecque pour le pèlerinage. A son avis, il faut être un peu méfiant même si les pèlerins sénégalais se sont vaccinés avant de partir. «C’est un lieu où se rencontrent beaucoup de monde qui vient d’horizons divers. Et, cela peut permettre au virus de se propager facilement», soutient-elle. Ce qui inquiète le plus cette dame, c’est qu’elle vient d’apprendre à travers les médias le décès de quatre personnes à la Mecque à cause de la grippe A.
On ne connaît pas encore la grippe A au Sénégal mais, la grippe saisonnière est, elle, présente dans le pays. Et, des centres de santé comme celui de Gaspard Camara reçoivent toujours des cas de grippe saisonnière, cette épidémie qui survient chaque année au cours de l’automne et de l’hiver dans les zones tempérées. Selon Baye Moussa Samba, parmi les personnes qui viennent en consultation dans leur structure hospitalière, beaucoup souffrent de la grippe. «On reçoit toujours des cas de grippe. Mais, je peux dire que ce n’est pas très grave. On les traite et pendant quelques jours les patients sont guéris. Je peux même dire qu’on en reçoit presque chaque jour», lance le docteur Samba. Seulement, estime M. Samba, aucun cas de grippe A ne s’est encore présenté au niveau de Gaspard Camara. «On se frotte encore les mains», dit-il.
Un pôle de surveillance mis en œuvre
Cette information est confirmée par le docteur Doudou Diop, médecin chef à l’Institut de recherche pour le développement (Ird) et coordonnateur médical du projet grippe A au Sénégal. De l’avis de Dr Diop, ce n’est pas parce qu’il n’y a aucun cas de grippe A (H1n1) au Sénégal qu’il est à l’abri de ce virus. Il n’y a pas aujourd’hui un pays au monde qui n’est pas menacé par cette pandémie, affirme-t-il. Le chercheur précise qu’une surveillance épidémiologique de la grippe est mise en œuvre. «Nous avons mis en place un plan de surveillance qui nous permet de capturer les cas de grippe. Et, à partir de cette capture, on fait des prélèvements au niveau de la gorge et du nez. Les échantillons sont envoyés à l’unité de virologie médicale de l’Institut Pasteur de Dakar à des fins d’analyse et pour le moment, aucun cas de grippe H1n1 n’est retrouvé», renseigne-t-il.
Par ailleurs Dr Doudou Diop tient à souligner qu’il existe des cas de grippe H3n1, c’est-à-dire la grippe saisonnière, qui ont été retrouvés, soit une prévalence de 24,66 %. La grippe saisonnière, indique Dr Diop, peut devenir pandémique quand son infection dépasse le cadre d’un pays ou d’un continent. Ce qui revient à dire que c’est le cas aujourd’hui avec la grippe A en Europe. Selon Doudou Diop, il faut déterminer la charge de la grippe saisonnière dans un pays en développement et dégager des données sur l’utilisation optimale du vaccin en cas d’épidémie de grippe saisonnière ou de pandémie.
Des dates et des chiffres
La pandémie de la grippe est un phénomène rare mais récurrent. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), trois pandémies ont été observées au cours du siècle dernier. Il y a d’abord la grippe dite espagnole en 1918, la grippe dite asiatique en 1957 et la grippe dite de Hong Kong en 1968. La pandémie de 1918 a fait entre 40 et 50 millions de morts dans le monde selon les estimations.
Cette pandémie, tout à fait exceptionnelle, est considérée comme une des plus meurtrières de l’histoire de l’humanité. Le bilan des pandémies qui ont suivi était beaucoup plus léger puisque selon les estimations, celle de 1957 a fait 2 millions de morts et celle de 1968 1 million de morts. La grippe dite espagnole avait été provoquée par le virus grippal A (H1n1), la grippe dite asiatique et celle dite de Hong Kong par le virus A (H2n2).
L’épidémie de la grippe a fait aussi des ravages en Afrique. On en a un exemple avec l’épidémie qui a débuté à Madagascar durant l’été 2002. Sur son passage, elle avait tué plus de 800 personnes et drainé une grande partie des ressources du système de santé malgache. En République démocratique du Congo, le ministère de la Santé rapportait en février 2003 que 1,5 million de personnes sont tombées malades de la grippe et 2 000 en sont mortes. Il faut toutefois noter que les épidémies de grippe provoquent des hospitalisations et des décès principalement parmi les groupes à haut risque (très jeunes, personnes âgées ou maladies chroniques). Au niveau mondial, ces épidémies annuelles sont responsables d’environ trois à cinq millions de cas de maladies graves, et 250 000 à 500 000 décès.
La plupart des décès associés à la grippe dans les pays industrialisés surviennent parmi les personnes âgées de 65 ans ou plus. Dans certains pays tropicaux, les virus grippaux circulent tout au long de l’année avec un ou deux pics au cours de la saison des pluies. L’Oms a tablé sur une estimation plus ou moins prudente de 2 à 7,4 millions de décès qui constitue une cible utile et plausible pour la planification.
Par Mamadou DIALLO
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