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Scanner au Chu : Attention au syndrome « des éléphants blancs ». Yaoundé a-t-il besoin d’un nouveau scanner ? - Mutations - Cameroun - 01/02/2005
Le gouvernement semble faire de la qualité de la dépense publique son cheval de bataille. Des actions d’éclats sont menées dans le but de rétablir l’orthodoxie dans la gestion des finances de l’Etat. L’imaginaire populaire est impressionné par ces actes qu’il espère pérennes. Car, venir à bout d’une hydre aussi enracinée qu’est la corruption chez nous, est une bataille de longue haleine. Nous ne devons cependant pas perdre de vue l’autre facette de cet assainissement : L’efficience de la dépense. En effet, le flop des « éléphants blancs » ayant jalonné notre parcours socio-économique nous instruit un regard inquisiteur sur tout investissement public d’envergure. L’équipement du Centre Hospitalier Universitaire d’un scanner est de ces projets. La question agite le milieu médical « Yaoundéen » La problématique est sans équivoque : Dépense de prestige ou dépense utile ?

Le débat est passionné. Les travaux d’aménagement de la salle où sera installé l’appareil ont relancé de plus belle la polémique sur l’opportunité d’une telle entreprise. Les positions sont tranchées. Les détracteurs de cette acquisition estiment que Yaoundé est déjà doté de 3 scanners fonctionnant largement en deçà de leurs potentialités. Ils pensent qu’il serait plus rationnel de transférer cet investissement dans les régions où les plateaux techniques sont généralement vétustes ou inexistants alors même que les besoins sont énormes. Les partisans de cette entreprise rétorquent qu’un hôpital universitaire devrait pour des besoins didactiques avoir un plateau technique satisfaisant. Ils ajoutent que le potentiel « prescriptif » au Chu justifie amplement cet investissement.
Encore contenu dans les milieux médicaux, ce débat intéresse pourtant la société dans son ensemble. Il s’agit en effet de la qualité et de l’efficience d’une dépense publique. Ce projet va entraîner une mobilisation de nos ressources pour une période assez longue. On estime à 350 millions l’installation d’un tel équipement. Les subventions à son fonctionnement seront des ponctions quasi permanentes de nos maigres ressources. L’utilité de l’investissement, son caractère prioritaire devraient être les seuls justificatifs de cette entreprise. Le débat est d’autant plus intéressant qu’il survient dans un contexte où l’on parle de « grandes ambitions » sous-tendues par une dépense publique de qualité. Pouvons nous en ce moment de forte pression fiscale, nous permettre des dépenses de prestige ? Afin de camper le débat, faisons un peu l’état des lieux de la scannographie au Cameroun. Dans une présentation que nous avons faite aux Journées Françaises de Radiologie en octobre 2003, portant sur La viabilité économique de l’exploitation scannographique en médecine de ville au Cameroun, il ressortait que : Un appareil Tdm coûte environ 300 millions de Fcfa. Les charges de fonctionnement ainsi que son entretien nécessite une mobilisation financière importante.

Le Cameroun dispose actuellement de 6 scanners équitablement répartis entre Douala et Yaoundé. De ces 6 appareils, 3 sont la propriété de l’Etat et bénéficient de subvention de fonctionnement. Ils sont installés à l’Hôpital Général de Yaoundé (Hgy), à l’Hôpital Central de Yaoundé (Hcy) et à l’Hôpital Général de Douala (Hgd). Les trois autres sont la propriété de promoteurs privés. Les prix pratiqués sont les mêmes en médecine de ville qu’en pratique hospitalière. Il est de 80.000+-10.000F CFA. Ces prix sont hors de portée de la majorité des patients. D’ou la faible fréquentation ci dessous signalée. Il aurait été intéressant de connaître le taux de réalisation des scanners prescrits.
Le seuil d’équilibre d’exploitation de ces appareils dans les conditions d’exploitation actuelle est de 80 malades par mois. Or la moyenne de fréquentation actuelle est de 52+-15malades par mois. Ce qui fait que l’exploitation de ces appareils est déficitaire dans notre contexte. Le déficit serait encore plus criard dans les centres publics si l’on y introduisait la notion d’amortissement. D’où la justification des subventions étatiques aux centres hospitaliers. Dans certains structures publiques, les appareils restent souvent immobilisés pendant de longue période du fait d’un entretien défectueux ou de lenteur administrative dans le règlement des factures.

Comme solution, nous préconisions :
La formation de pool d’exploration. L’installation de réseau intranet entre les hôpitaux pouvant être une solution avantageuse. Chaque hôpital devant être doté d’un terminal de post traitement, mettant ainsi le radiologue local à la hauteur de son collègue hôte du scannographe. L’appareil servant juste à l’acquisition des données suivant un protocole défini par le radiologue prescripteur. Ceci est d’autant plus réalisable que la majorité de nos hôpitaux disposent d’un parc roulant sous exploité pouvant servir au transfert des patients. Cette solution n’étant qu’une étape intermédiaire vers l’introduction de la télé radiologie ou de la télé médecine sous nos cieux. Les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (Ntic) offrant de multiples possibilités diagnostiques et thérapeutiques.
L’exploration de la piste de coopération entre le secteur privé (industriels de radiologie et médecins de ville) et l’Etat peut être avantageuse. La mobilisation des ressources privées dans les centres urbains permettrait à l’état de redéployer ses efforts à l’arrière pays. En effet, pour le même examen et au même prix, l’état peut faire l’économie de l’investissement initial (300 millions) et ne plus se préoccuper de l’entretien de ces appareils. D’une façon générale, le secteur privé est prêt à suppléer l’état dans les centres urbains où le marché existe. Leur entreprise serait d’autant plus intéressante qu’elle serait encadrée par des facilités fiscales. Ici, il faut garder à l’esprit que les prix pratiqués sont les mêmes. Ces données montrent clairement que l’équipement du Chu en scannographe n’obéit à aucun impératif d’économie de la santé.

Reste le côté universitaire de l’investissement. Il faut d’emblée dire qu’il n’existe aucune différence significative entre le Chu et les autres centres hospitaliers de Yaoundé (Hgy et Hcy) pour ce qui est des activités universitaires. Leur organisation administrative étant identique. Dans ces hôpitaux, l’organigramme ne prévoie point la formation d’équipe de recherche. Donc aucun de nos hôpitaux n’a la structuration universitaire indispensable à leur animation scientifique. Les professeurs n’ont pas d’assistants et ne peuvent à eux seuls constituer des unités de recherche ni répondre efficacement aux sollicitations hospitalo-administratives. Ne coiffant aucune équipe de recherche, ils ne peuvent utiliser de façon optimum les plateaux techniques mis à leur disposition. Chaque service, au gré de la dextérité du chef de service se spécialisant dans une ou des techniques précises de radiodiagnostic. Ce qui nous fait dire avec un des enseignants de la faculté de médecine que : « Le Chu n’a d’universitaire que sa proximité géographique avec la faculté de médecine »
La concentration des équipements radiologiques à Yaoundé perturbe le déploiement efficace des radiologues (piliers de la médecine moderne) dans l’arrière pays. A titre indicatif, Le radiologue de Bafoussam couvre aussi le nord ouest. Bertoua n’a pas de radiologue. Tout le grand nord ne dispose que d’un seul radiologue alors même que les patients venant des pays voisins traversent cette région pour venir faire un scanner à Yaoundé. Globalement, 5 hôpitaux provinciaux ne disposent pas de radiologues. Les radiologues affectés dans ces régions rechignent à y aller, estimant que les plateaux techniques de ces centres ne leur permettent pas de donner la mesure de leur art. Le radiologue étant dépendant de ses appareillages. Dans le même temps, nous venons de le voir, les professeurs à Yaoundé manquent d’assistants dans les hôpitaux. : C’est Le paradoxe du manque dans un contexte de trop plein. Et pour cause, les radiologues affectés en province et qui n’y vont pas sortent souvent du circuit public. La gestion des ressources humaines souffrira aussi de cette mauvaise dépense.

Sur un tout autre plan, cette politique d’investissement met l’Etat en compétition avec les centres privés offrant les mêmes prestations au même coût. Or, il est de plus en plus admis le rôle régulateur de l’Etat. Par un encadrement juridique et fiscal approprié, l’Etat pourrait instaurer un partenariat synergique avec ces prestataires.
Ouvrons le débat sur la possibilité d’installation de ce matériel à Maroua ou à Kousséri. En dotant cette région carrefour d’un pôle diagnostic ultra moderne, le Cameroun tout en améliorant la santé d’une partie non négligeable de sa population étendra son aura médicale sur les pays voisins. Et ceci d’autant plus que le renforcement du potentiel diagnostic aura un effet attractif sur les autres spécialités. Nous aurons ainsi anticipé sur la promesse du « Big katchika » qui a promis doter cette région d’une université.

Par Pascal Sokoudjou

Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=all&id=1107212039

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