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Service de neurochirurgie du CHU de Yopougon : Pr. Vincent Ba Zézé : “On n’opère plus” - Notre voie - Côte d'Ivoire - 09/04/2005
Le service de neurochirurgie de Yopougon, l’unique en Côte d'Ivoire, est gravement malade. Dans cette interview, le premier responsable dresse un diagnostic alarmant.

Notre Voie : Depuis un certain temps, des patients se plaignent de la léthargie au service de neurochirurgie. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe ?

Vincent Ba Zézé : Depuis 1990, nous avions une activité neurochirurgicale correcte puisque le seul cabinet de neurochirurgie accueillait non seulement tous les cas de neurochirurgie de Côte d'Ivoire mais aussi ceux de la sous-région. De même que les malades de l'Afrique centrale. Mais depuis les années 1996 et 1999, l’hôpital lui-même a connu une dégradation très importante. Il fallait près de 7 à 10 milliards pour rendre fonctionnel le CHU de Yopougon. La situation de crise que connaît la Côte d'Ivoire ne permettait pas de trouver une telle somme pour réhabiliter l'hôpital, ce qui fait que les blocs opératoires et les services d'hospitalisation ne permettaient pas d'avoir une activité chirurgicale encore moins neurochirurgicale.

N.V : Il se raconte qu'on n'opère plus au CHU de Yopougon. Qu'en est-il ?

Vincent Ba Zézé : Effectivement, nous sommes parfois obligés de faire de la gymnastique pour sauver les malades. Nous sommes obligés d'aller opérer les malades à Cocody où les circuits ne sont pas prévus pour exercer l’activité neurochirurgicale. Quand la réanimation du CHU de Cocody ne marche pas, on les y opère, puis on envoie les malades au CHU de Treichville en réanimation pour les réveiller et, ensuite, quand ils sont stabilisés, on les retourne au CHU de Yopougon. C'est une gymnastique extrêmement périlleuse. Mais, il faut choisir entre cette gymnastique qui vous permet de donner une chance de survie à un malade que ne rien faire du tout. Voilà donc un peu la situation de la neurochirurgie depuis pratiquement 1999. Quand les Refondateurs ont pris le pouvoir en 2000, le ministre de la Santé d'alors à la suite de nos rapports, avait jugé utile de réhabiliter le service de neurochirurgie et même d'envisager la construction d'une institution de neurologie pour que nous puissions exercer dans de bonnes conditions. Malheureusement, l'attaque du 19 septembre 2002 est intervenue qui nous a ramené à 20 ans en arrière.

N.V: Cette gymnastique fort périlleuse due à la défaillance du CHU de Yopougon a-t-elle une incidence sur le coût des interventions ?

Vincent Ba Zézé : C’est sûr que cela a une incidence sur le coût des interventions. Mais je pense qu'il ne faut pas poser le problème en terme de coût puisque les malades eux-mêmes n’ont pas les moyens. Il en est de même des structures de l'Etat qui ne peuvent pas faire face à la situation malgré les bonnes volontés. Quand je vois le directeur du CHU de Yopougon qui multiplie les rencontres, les démarches auprès des institutions privées locales ou extérieures, on peut dire que les bonnes volontés ne manquent pas mais la situation est extrêmement difficile.

N.V : Est-ce cela qui explique que les neurochirurgiens opèrent désormais dans les cliniques privées ?

Vincent Ba Zézé : Je voudrais dire qu'il n'y a pas de possibilité d'opérer au CHU de Yopougon. Et les seules interventions que nous pouvons faire au CHU de Cocody sont des interventions portant sur l'os où vous n'avez pas besoin d'un équipement sophistiqué comme le microscope opératoire. Sinon vous êtes obligé de vous tourner vers certaines cliniques telles que la PISAM qui a un équipement qui nous permet de faire une activité neurochirurgicale. Nous avons discuté avec la PISAM pour voir les tarifs à la baisse pour ceux qui n'ont pas les moyens. Il faut dire que la tarification est basée sur les instruments que la clinique a payés. La clinique n'est pas une œuvre sociale. Elle ne peut pas pendre toutes les dépenses en compte. La PISAM demande aux malades de payer un minimum pour être opéré. Quand le malade est réveillé, on le retourne au CHU où les coûts sont moindres. C'est des palliatifs que nous utilisons pour essayer d'opérer le maximum de patients. Mais il est évident qu'il y a des malades qui ne peuvent même pas payer le minimum.

N.V : La LONACI vous a pourtant fait don d'un matériel médical d'une valeur de 65 millions FCFA. A quoi a servi ce don ?

Vincent Ba Zézé : Vous me donnez-là l'occasion de remercier la direction générale de la LONACI qui est toujours à l'écoute de la société. Effectivement, la LONACI est intervenue en faveur de la neurochirurgie à hauteur de 65 millions FCFA. Nous avons acheté quelques instruments. Je voudrais dire que le don de la LONACI n'a acheté que deux appareils : un moteur qui est un instrument qui nous permet d'ouvrir le crâne et qui coûte à peu près 35 millions F et un respirateur qui est l'appareil qui assiste le malade quand il est endormi, d'un coût de 34 millions F. Donc les 65 millions ont permis d’acheter deux appareils. Mais il n'y a pas que ça. Il y a l'instrumentation, les boîtes pour opérer, l'appareil de scopie, un microscope opératoire de neurochirurgie qui coûte 120 à 130 millions. Donc, vous comprenez que malgré le don de la LONACI, les conditions ne sont pas encore réunies pour que nous puisions arriver à une activité de neurochirurgie

N.V : Face à ces difficultés, que faites-vous pour rendre le service de neurochirurgie opérationnel ?

Vincent Ba Zézé : Nous ne sommes pas des hommes à baisser les bras. Quand nous sommes arrivés en 1999, il n'y avait pas d'activité neurochirurgicale. Nous avons même utilisé nos propres moyens pour acheter du matériel. Nous avons acquis une certaine maturité, ce n'est pas maintenant que nous allons baisser les bras. Nous avons commencé le rééquipement du service depuis 2000. Nous avions sollicité un certain nombre de personnalités et d'industriels. Malheureusement, la guerre qui est intervenue n'a pas permis à ces personnalités de nous venir en aide. Nous étions en discussion avec le maire de Yopougon qui a décidé de réhabiliter le service complètement dégradé. Dans les semaines à venir le service sera réhabilité grâce à sa disponibilité. Nous nous sommes adressé au gouverneur du District d'Abidjan, M. Pierre Djédji Amondji, qui dans son budget 2005 a dégagé la somme de 100 millions pour nous permettre d'acheter du matériel. Grâce à un certain nombre de rencontres et de démarches, le directeur du CHU de Yopougon, Jean Baptiste Kanga, a pu obtenir à l’extérieur qu'on achète quelques équipements. C'est ainsi que pour cette année, il est prévu qu'on achète un appareil de scopie d'un coût de 80 millions et d'un microscope opératoire de 130 millions F. C'est à la suite de ce processus que je viens d'évoquer que nous allons reprendre la vraie activité neurochirurgicale.

N.V : A côté du manque d'équipement adéquat, le service de neurochirurgie ne souffre-t-il pas d'un sous effectif ?

Vincent Ba Zézé : En Côte d'Ivoire nous pouvons dire que nous avons huit neurochirurgiens. C'est très peu pour la Côte d'Ivoire qui compte un seul service de neurochirurgie. Pour une population de 16 millions d'habitants, nous devons avoir 5 à 6 services. Mais il faut dire que notre problème n'est pas le nombre de neurochirurgiens. Car du point de vue des hommes, nous pouvons soigner toutes les infections neurochirurgicales, à l'exception de deux ou trois.

N.V : Quel avenir pour la neurochirurgie en Côte d'Ivoire ?

Vincent Ba Zézé : Je suis naturellement optimiste. Quand nous venions en 1999, il n'y avait pas de service de neurochirurgie. Mais après l'ère du SAMU et même avant, il y a eu une transformation nette dans la qualité et une régression du taux de mortalité. Mais dans ce genre de pathologie, il ne faut pas voir uniquement l'aspect médical. En effet, le décès par accident de la circulation de la route est la deuxième cause de mortalité chez l'adulte après le sida. En France, le taux de mortalité était aussi élevé mais avec les mesures draconiennes qui ont été mises en place, le taux de mortalité a chuté d'au moins 10 points. Ainsi, en dehors de l'aspect médical, il faut utiliser d'autres leviers que sont la prévention et la sanction. Par exemple, il faut former les chauffeurs de gbaka et taxi. Ici, le drame c'est qu’il y a des chauffeurs qui ne connaissent même pas le code de la route. Et dans un accident, s'il est responsable, son permis de conduire doit lui être retiré. Cela peut contribuer à diminuer le nombre d'accidents.

Allan Aliali

Lire l'article original : http://www.notrevoie.com/archives/develop.asp?id=5345&issue=2058

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