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Pr Bohoussou Marcellin (Président du RPMM) : “Aucune de nos maternités n’a un appareil d’aspiration” - Fraternité Matin - Côte d'Ivoire - 08/03/2005
En Afrique, on affirme que sept millions de bébés décèdent chaque année avant l’âge d’un an. Quelle est la situation en Côte d’Ivoire ?

Je vais vous décevoir Madame. Parce que si dans notre pays, on s’occupe de la santé infantile, c’est-à-dire de l’enfant en général, il faut dire que le nouveau-né, on lui accorde très peu d’attention. En principe, il doit avoir son pédiatre depuis la salle d’accouchement. On l’appelle le néonatologiste. Dès que le bébé naît, il le prend immédiatement en charge. Dans les pays développés et même en Afrique francophone, dans les hôpitaux universitaires, ces pédiatres existent. Chez nous, non. Mes collaborateurs ont pensé que c’est moi qui ne faisais pas d’effort, mais ils se sont rendus compte du contraire.

Les spécialistes existent pourtant…

Bien sûr. Ils sont en pédiatrie, au 5e étage. Mais ils attendent qu’on aille les chercher quand il y a un problème. Or, la nouvelle législation française dit que par accouchement, il faut une sage-femme, un gynécologue obstétricien, un anesthésiste et un pédiatre. Si ces quatre éléments ne sont pas réunis, c’est une faute grave. Il y a des cliniques à Abidjan qui remplissent ces conditions, mais cela ne suffit pas.

Combien de bébés meurent donc ?

Le nombre de décès ici est incroyable. On n’en tient même pas compte, parce qu’on le trouve normal. Je vous donne le tableau du CHU de Cocody depuis 2003. En janvier, nous avons enregistré 55 décès, en février 54. Mais pour l’année, il y a eu 441 morts-nés, sur 4074 naissances. Parmi ces morts-nés, il faut distinguer ceux qui étaient déjà morts quand les mamans arrivaient ici. Il y en a d’autres qui sont morts une fois entrés ici. En général on considère, comme mortinatalité ceux qui sont morts dans le ventre et ceux qui sont morts à la naissance. Les chiffres font peur mais ça n’émeut personne. Pas même les autorités, particulièrement le ministère qui ne tient pas compte de tout ce que nous écrivons à la faculté de médecine, dans sa politique. Sinon comment imaginer qu’aucune maternité sur le territoire ivoirien ne dispose d’un appareil de réanimation ?

Quelles sont les causes de ces décès ?

Elles sont d’ordre médicale et sociale. Prenons le cas du bébé. Souvent quand l’enfant naît, il a une détresse respiratoire, parce qu’il a de l’eau dans les narines. Pour déboucher, il faut un aspirateur. Je vous assure que, à part les CHU et quelques rares hôpitaux de District, aucune de nos maternités en Côte d’Ivoire ne possède un appareil d’aspiration. A la place, c’est des poires à lavement qu’on utilise. On les met dans le nez et la bouche de l’enfant pour aspirer les mucosités. On réussit ou on échoue.
Mais il faut dire aussi qu’un bébé peut mourir, faute de soins adéquats pendant la grossesse ou l’accouchement, ou encore pour asphyxie. Le décès peut intervenir également si le bébé a trop souffert ou s’il est trop gros.
Pour la mère, il s’agit généralement, de cas d’hémorragie, de maladie, d’infections, d’éclampsie ou lorsque la salle d’accouchement est occupée. L’une des causes qui gonfle aujourd’hui les chiffres, c’est le Sida. 
Au niveau national, le ministère de la Santé avance un taux de mortalité de 24 pour 1000 naissances. Ça paraît très beau, mais ce n’est pas ce que nous voyons.

Vous voulez dire qu’il y a un problème dans la collecte de données ?

Oui. En principe, la direction de la statistique sanitaire envoie des imprimés aux hôpitaux et aux dispensaires pour les remplir, mais ils ne le font pas.
Alors, quand on affirme dans le document officiel que le nombre d’enfants morts nés pour tous les accouchements enregistrés est de 28 pour mille en 1995, 41 pour mille en 1996, 29 pour mille en 1997 et 24 pour mille en 1998 ; et donc que le taux de mortinatalité au niveau national était de 30 pour mille en 1999 et en 2000, ces chiffres semblent bons, mais nous-mêmes, nous savons que c’est faux.

Y a-t-il des régions en Côte d’Ivoire où l’on constate le plus de décès ?

Voici ce que dit le document officiel. Prenons l’année 2000. La région qui était la plus touchée, c’est le Denguelé avec 4,9 pour cent. Normalement, les taux s’expriment en 1000. Donc, si je convertis, cela donne 49 pour 1000. Viennent ensuite la région des Savanes avec 44 pour 1000 ; la région des Montagnes et le Moyen- Cavally avec 39. La région qui a enregistré le taux le plus faible à cette date, c’est la Vallée du Bandama. Abidjan ne fait pas partie de ces chiffres.
Il faut signaler que les chiffres sont sous-estimés, parce que ne sont pris en compte que les cas enregistrés dans les formations sanitaires et donc insérés dans le système d’information et de gestion. Ceux qui se sont déroulés en dehors ne sont pas comptés.

Il y a sûrement parmi les causes de décès, des facteurs sociologiques.

Il y a surtout un problème d’appréciation des choses. Il y a ce que nous appelons les trois retards : le temps écoulé avant de décider d’aller à l’hôpital, le temps entre l’arrivée et ensuite les premiers soins. Il faut éduquer les femmes à la reconnaissance des signes de gravité. Bon maintenant, il y a des facteurs sociologiques. Au CHU de Cocody, ce temps est de 3 h 58 mn. Dans les années 80, il était de 30 mn. Parce qu’il n’y a rien. Il faut aller tout acheter. Si vous arrivez ici malade à 2 heures du matin et qu’on vous donne une ordonnance, vous devez aller chercher la pharmacie qui est de garde. Et si vous allez dans une ou deux pharmacies où le produit n’existe pas, tout cela, c’est du temps perdu. La prise en charge des urgences peut réduire la mortalité à 80%. Or, la Côte d’Ivoire dépense près de 70% de son budget pour s’occuper des urgences. J’ai lu dans un document que chez les Indiens, quand une femme est en travail et qu’elle perd du sang, on dit que c’est une purification. Alors qu’elle ne sait pas qu’elle est en train de mourir.

Vous avez dit tantôt que l’hémorragie est l’une des causes de décès chez la mère. Quelles solutions préconisez-vous ?

Il faut procéder au renforcement du personnel qualifié. On peut empêcher que des femmes meurent d’hémorragie. Il faut pour cela que toutes les sages-femmes de Côte d’Ivoire sachent faire une délivrance artificielle. Il y a 10 ans, il y avait tellement de morts par hémorragie de la délivrance qu’un jour, j’ai pris ma voiture et, accompagné de cinq médecins, je suis passé dans les maternités situées au Nord du pont. Nous avons passé 24 h à montrer aux sages-femmes comment s’y prendre. L’année d’après, au lieu de 12 décès, on a eu 2. Ces sages-femmes sont toutes parties à la retraite. Il faut aussi qu’elles apprennent les six gestes qui sauvent. Comment pouvez-vous comprendre que dans les pays voisins, les sages-femmes savent le faire et chez nous, non ? Quand vous prenez le programme de l’école de sages-femmes, vous verrez qu’on enseigne aux filles des choses qu’elles n’auront pas à utiliser, au lieu de leur apprendre les six gestes obligatoires. On ne les forme plus, on leur donne le cours sans faire de pratique.
Mais il faut dire que mettre fin aux problèmes de la mortalité est avant tout une question de volonté politique. Des Premiers ministres ailleurs ont pris des engagements publics pour demander que toute femme en état d’urgence puisse être traitée. Les paiements viennent après. 

Vous êtes passés de la Maternité sans risque au Réseau de prévention de la mortalité maternelle. Qu’est-ce qui va changer ?

C’est la même chose. Sauf que la Maternité sans risque était un peu limitée. Aujourd’hui, on parle de Soins obstétricaux d’urgence (SOU) et de Soins obstétricaux et Néonataux d’urgence (SONU). Le terme a évolué après plusieurs conférences. La première au Burkina Faso en 1996. Elle a posé les jalons de la lutte contre les décès des mères et des bébés. Une autre en 1997 à Abidjan et à Dakar. Les premières Dames se sont jointes au mouvement au Mali en 2001. Un engagement a été pris, celui de créer un vaste mouvement en faveur de la mortalité.  Un film a même été réalisé par l’UNICEF pour la sensibilisation au phénomène des décès. Nous, au niveau du Réseau de prévention de la mortalité maternelle, nous faisons la sensibilisation, à travers les centres de santé de Jacqueville et de Toumodi. Nous avons formé les sages-femmes aux six gestes. Nous utilisons aussi les radios locales pour la sensibilisation. 

Marceline GNEPROUST

Lire l'article original : http://213.239.215.195/fratmat/content/detail.php?cid=7U50Gsuad5m

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