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ENTRETIEN AVEC… Dr Suzanne Diku, gynécologue vivant en Italie : Les césariennes plus fréquentes chez les clandestines - Le quotidien - Sénégal - 28/06/2005
Vous dirigez un service de Santé à Rome pour les femmes immigrées, comment en êtes-vous venus à la création de cette structure ?
Il y a le fait que pour que les femmes immigrées puissent accéder au service public, il faut avoir une assurance-maladie et pour l’avoir, il faut détenir un permis de séjour. Du coup, il y a eu toute une catégorie d’immigrées qu’on appelle les «irrégulières» qui ne pouvaient pas accéder au service public, et le privé social. L’Ong Caritas et des associations laïques ont alors mis sur pied des structures pour répondre aux besoins les plus urgents de la population immigrée «irrégulière» : les problèmes de maternité et puis l’assistance aux mineurs.
C’est comme ça qu’est né le Centre Welcome à Rome. Au départ, c’était le Centre médical de la Caritas dans lequel j’avais commencé à œuvrer en tant que médecin. Mais quand j’ai terminé la spécialisation en gynécologie, on a ouvert le centre socio-sanitaire Welcome pour les femmes et enfants immigrés.
Dans un premier temps, notre action a surtout consisté à montrer à la société italienne qu’elle ne pouvait pas être une société civilisée si elle n’assurait pas le droit à la santé à toute personne présente sur son territoire. Et, en attendant de pouvoir changer les institutions publiques, nous avons répondu à cette demande des immigrées en faisant des visites ambulatoires. Par la suite, nous avons établi des accords avec les centres de diagnostic privés qui avaient la volonté de nous accompagner dans cette expérience. C’est ainsi que notre activité a visé les services publics et puis une action de persuasion et de dialogue a caractérisé le rapport avec les institutions régionales. La même action a été menée dans différentes villes telles que Milan, Turin, Genève ainsi que d’autres grandes villes d’Italie. En 1989, nous sommes arrivés à obtenir le droit à la maternité. Les Centres hospitaliers publics avaient l’obligation de recevoir les femmes immigrées enceintes.

Avant cela, quel était le statut des femmes immigrées enceintes ?
La maternité avait toujours été considérée comme un soin d’urgence en Italie. La Constitution permet à la personne, même sans papiers, d’être admise en soins d’urgence. Mais c’était seulement appliqué pour l‘accouchement. Mais il restait la grossesse et tout le suivi qu’il fallait assurer et c’est ce que nous avons obtenu pour les femmes irrégulières. L’assurance maladie pour raison de grossesse devenait automatique pour toute femme immigrée. Il fallait donc certifier son état de grossesse et elle était couverte jusqu’à l’accouchement. Donc la Police ne pouvait pas la déranger et son permis de séjour durait jusqu’à l’accomplissement du sixième mois de l’enfant.

En plus de ces contraintes juridiques, le fait de vivre dans un contexte socioculturel différent de celui de son pays d’origine ne rend-elle pas plus difficile la grossesse de la femme immigrée ?
La grossesse doit être suivie sur le plan médical mais aussi sur le plan de l’hygiène, étendue à l’alimentation et au contrôle prénatal. Donc les populations immigrées qui vivent en clandestinité et qui n’ont accès ni au travail ni à l’assurance-maladie étaient maintenues dans des conditions pratiquement identiques à celles qui les ont poussées à l’émigration. Alors l’Institut supérieur pour la santé a fait des études - et des études semblables ont été faites en France - pour montrer que le type d’alimentation que la femme immigrée suivait en grossesse n’était pas adéquat.
Par exemple : on sait qu’il y a des tabous alimentaires dans toutes les cultures ; mais le problème est de pouvoir respecter ses tabous dans un contexte social différent qui ne permet pas de disposer de certains aliments. Il y a alors un déséquilibre et donc les études ont montré que celles qui ont une alimentation bien équilibrée et bénéficient d’un suivi médical régulier arrivent à l’accouchement à terme et avec des enfants de poids normal. Alors que celles qui vivent dans des conditions assez précaires connaissent des accouchements pré-terme. L’incidence des césariennes est plus élevée chez ces dernières. La question qui s’est posée aux services de santé italiens, c’était de savoir dans quelles conditions et comment cette population que nous avons là, affronte l’expérience de la grossesse et comment résoudre le problème. Et c’est comme ça que tous les efforts sont fournis pour rendre réel l’accès aux soins de santé.

Quels types de rapports les femmes africaines immigrées en Italie entretiennent-elles avec certaines pratiques comme l’excision, la virginité ?
Nous avons eu à faire face à des demandes de jeunes femmes qui voulaient retrouver leur virginité, c’était tout au début de notre expérience. C’était donc une population qui venait d’arriver et qui subissait encore les pressions de la culture d’origine. Aujourd’hui, cette population s’est déplacée, parce que l’Italie est essentiellement une terre d’émigration transitoire, vers d’autres pays, comme le Canada, les Etats-Unis, la France etc. Donc, on a eu un peu de tout au début de la vague d’émigration. Maintenant, nous avons une population beaucoup plus stable et donc ces demandes-là ne sont plus fréquentes.
Personnellement, j’ai plutôt invité la personne à entreprendre un parcours de réflexion. J’ai par exemple eu le cas d’une jeune fille qui voulait procéder à un saignement symbolique. La virginité est très importante dans un contexte bien donné, comme les pratiques de mutilation et d’excision. Dans certaines cultures, si les personnes ne respectent pas ces normes, elles n’auront pas de place dans cette société. Et, c’est un acte très douloureux qui demande beaucoup de courage et de force que de pouvoir s’exposer aux critiques et aux risques de rejet. Tout le monde n’a pas cette force. Ce sont ces raisons qui expliquent de telles demandes chez certaines femmes immigrées.

Ces pratiques ne sont pas admises dans les centres de santé italiens, mais avec une telle pression, est-ce qu’elles ne se font pas toujours dans la clandestinité ?
De façon clandestine, on ne peut pas l’exclure. L’Italie dispose de mesures de répression contre tout opérateur de santé qui se prêterait à cette pratique. Face à cette situation, certaines personnes ont préconisé des voyages de retour pour pouvoir s’assurer ce genre de service, parce que sur le territoire italien, le médecin qui s’expose à de telles pratiques est poursuivi en justice. Mais devant des cas comme ça, en tant que médecin, j’essaie d’en parler aux femmes. Parfois, j’ai quand même une bonne réponse : comme une prise de position des femmes qui peuvent parler de leur situation de victime, de leur souffrance. Elles disent que si elles pouvaient, elles épargneraient cette souffrance à leurs filles. Mais jusqu’à quel point elles peuvent décider du futur de leurs filles ? Pour le moment, elles sont en émigration, mais, on espère que demain, ces filles vont rentrer au pays. Mais comment vont-elles se situer par rapport à la société qui considère impures celles qui n’ont pas subi ces pratiques ? C’est une situation de souffrance et d’interrogation. Par ailleurs, on a vu aussi le cas d’une maman qui rejetait cela et a fait subir l’excision à sa fille pour une raison d’identité culturelle.

Abdou Rahmane Mbengue

Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/archives/article.cfm?article_id=25923&index_edition=750

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