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Les douze chantiers de la réforme hospitalière - Cameroon tribune - Cameroun - 14/07/2005
Le ministre de la Santé publique Urbain Olanguena Awono esquisse les contours de l’hôpital de demain.

Cameroon tribune : Monsieur le ministre, sur quoi porte la réforme hospitalière, thème du forum national ouvert par le Premier ministre mardi ? Qu’est ce qui va changer ?

Urbain Olanguena Awono : Un peu plus de quarante ans après notre indépendance, nous pensons qu’il est temps de changer de paradigme en ce qui concerne le fonctionnement de l’hôpital au Cameroun. Bien que le Cameroun ait consenti des investissements importants dans le domaine hospitalier — et il dispose d’un réseau hospitalier effectivement considérable — le fonctionnement de l’hôpital est en question. Les différents maux que vous avez énumérés tout au long de cette semaine dans vos différentes colonnes montrent effectivement que le Camerounais ordinaire ne peut pas être satisfait du fonctionnement de l’hôpital a aujourd’hui. Ce sont tous ces maux qu’il faut chercher à éliminer. Nous avons besoin d’un hôpital moderne, adapté à notre temps, à nos réalités, à l’exigence de qualité des soins, à la capacité réelle de paiement de la population par rapport à ses revenus. Et notre réforme s’appuie sur un diagnostic sans complaisance des difficultés de toutes natures — matérielles, financières, managériales, de gouvernance… — que nous rencontrons, que nous constatons. Elle propose des solutions pour que le Camerounais dispose d’un hôpital qui puisse réaliser avec efficacité le service public de la santé, service public que recommande bien entendu le chef de l’Etat qui a mis un accent particulier dans les investissements de la santé au Cameroun.

Cameroon tribune : Les formations sanitaires du secteur privé sont-elles intéressées par cette réforme et comment peuvent-elles assurer le service public de la santé ?

Urbain Olanguena Awono : La réforme hospitalière concerne l’ensemble du système de soins qui existe au Cameroun. Donc, elle concerne le secteur public tout comme le secteur privé. Le secteur privé est important et nous devons travailler ensemble. De ce point de vue, je voudrais dire que les grands chantiers de la réforme concernent des questions qui intéressent tout le système. Lorsqu’on parle de la qualité des soins, c’est tout le système hospitalier qui est concerné. Lorsqu’on aborde la question des définitions des protocoles, il en va de même. Mais nous irons bien au-delà. Car la réforme vise aussi à développer un système de délégation, et même un système de service ; c’est dire que nous amenons le service public de la santé dans la sphère privée, aux conditions de délivrance d’un service public et cela à travers des mécanismes contractuels que nous avons déjà commencé à expérimenter. L’hôpital public, est important. Il occupe une place essentielle mais pas exclusive.

Cameroon tribune : Vous affirmez qu’un hôpital est une entreprise sociale qui toutefois doit optimiser sa gestion. Peut-on gérer un hôpital comme une entreprise privée ?

Urbain Olanguena Awono : L’une des grandes orientations de la réforme, c’est de renforcer pour l’améliorer, la gestion de l’hôpital, notamment l’hôpital public. Nous avons hérité de systèmes davantage administratifs. On ne peut pas continuer ainsi, pour des hôpitaux aussi importants que l’hôpital central de Yaoundé, l’hôpital Laquintinie à Douala... Ces grosses structures sont encore considérées comme des administrations centrales du ministère de la Santé publique. Il faut changer cela. Pour mieux fonctionner , il faut leur donner un statut qui leur confère l’autonomie de gestion pour qu’on soit bien organisé, qu’on soit capable de faire une gestion prévisionnelle, qu’on puisse mettre en place une gestion comptable… Et par rapport à la politique de santé du pays, qu’on sache clairement quel est le gap qui se crée et quel niveau de subventions on peut apporter à l’hôpital. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de concilier les exigences de service public avec la logique d’entreprise, la logique de gestion efficace.

Cameroon tribune : Dans ce contexte de l’hôpital de demain, comment voyez-vous la place du malade, alors que la plupart des Camerounais, comme vous l’avez vous--même fait observer, n’ont pas les moyens d’accéder à l’hôpital, à cause des multiples raisons liées au manque d’argent, à l’éloignement géographique par rapport à l’hôpital etc ?

Urbain Olanguena Awono : Le fil conducteur de la réforme est le suivant : moderniser, humaniser pour offrir des soins de qualité à de meilleures conditions, au moindre coût. Cette logique met nécessairement le malade au cœur du système de soins doit donc nous conduire à corriger cette sorte de divorce qu’on a pu constater, à savoir la distanciation, la différenciation dans la relation personnel soignant et malade. Voilà ce que nous tenons absolument à changer. Dans ce sens, les options que nous entendons développer doivent nous permettre de réviser tout le système des entrées, donc de l’accueil, à l’hôpital camerounais. Il faut également interroger tout le système de prise en charge des urgences dans le pays. Il faut revoir tout le système de " dispensation " des médicaments au sein de l’hôpital. Ces questions là, nous allons les examiner en vue de solutions adéquates.

Cameroon tribune : Pour que le malade trouve sa place dans l’hôpital de demain, la réforme devrait être complétée avec une autre, à savoir celle de la sécurité sociale, notamment dans le système de la santé, celle de l’assurance maladie. Où en est-on avec la réflexion sur cet aspect important ? Peut-on savoir s’il y a un échéancier à cet égard ?

Urbain Olanguena Awono : Avant d’arriver à cette importante question, permettez moi de vous dire quelques mots sur les renforcements indispensables des moyens des hôpitaux. Ceux-ci fonctionnent aujourd’hui en déséquilibre. Les hôpitaux reçoivent des subventions. Mais nous constatons que les subventions ne peuvent pas couvrir véritablement toutes les charges de l’hôpital public au Cameroun. Notre action consiste donc à rechercher des ressources additionnelles qui peuvent permettrent de soutenir les hôpitaux publics dans la prise en charge d’un certain nombre de pathologies, ce qui est déjà possible avec le VIH/ Sida et la tuberculose, et le sera peut-être demain avec le paludisme. Je pense que le nouvel hôpital doit être renforcé dans son organisation, dans sa gestion de manière à ce qu’il puisse toujours s’inscrire dans une logique de projet d’établissement et de plan de développement pour mieux évaluer ses besoins. Dans cette perspective, on recherche progressivement une adéquation entre les moyens et les objectifs assignés à l’hôpital. Au-delà, il y a le problème de la solvabilité de la demande de santé. Je pense que c’est cette question que vous posez. Nous avons une population à faible revenu. La faiblesse des revenus est une forte contrainte à l’accessibilité aux soins. Le Cameroun doit rapidement s’engager dans la voie du développement de mécanismes de solidarité qui permettent à un système de santé de pouvoir fonctionner avec, en face, des structures de pré-paiement.

Cameroon tribune : Tout à fait concrètement vous pensez à quoi ?

Urbain Olanguena Awono : Il faut développer l’assurance maladie. L’enjeu de la prévoyance et de la sécurité sociale est aujourd’hui incontournable. Il faut aller assez vite dans cette direction.

Cameroon tribune : Dans les villes…

Urbain Olanguena Awono : Et dans les campagnes aussi, à travers la mutualisation. La réforme de la mutualité est en cours de préparation ici. Dans les mois qui viennent, en tout cas avant octobre, nous allons inviter les différents acteurs de développement des mutuelles de santé notamment à un forum. Celui-ci va effectivement compléter et mieux prendre en compte concrètement les recommandations du forum de la réforme hospitalière en ce qui concerne le financement du système de soins.

Cameroon tribune : Comment les indigents seront-ils pris en compte dans ce mécanisme ?

Urbain Olanguena Awono : Pour les indigents, notre réflexion va dans le sens de la mise en place d’un fonds national de solidarité qui, à travers un mécanisme de refinancement, pourra permettre la prise en charge de l’indigence.

Cameroon tribune : Il est connu que certains personnels sanitaires des hôpitaux publics orientent plutôt les malades vers des structures privées. Comment corriger de tels comportements ? Qu’entendez-vous par " exigence de définition du temps privé du médecin public " ?

Urbain Olanguena Awono : Nous avons dénoncé la double pratique des personnels fonctionnaires dans le secteur privé. C’est un problème de fond. Je le dis, il faut l’examiner d’une manière efficace, sans complaisance. Mais pour le résoudre, il faut agir sur plusieurs leviers. Il faut améliorer les conditions des personnels. Je crois qu’il est important de le dire et la réforme s’appesantit aussi sur cet aspect. Les propositions que nous avons sur la table visent à mettre en place des systèmes d’intéressement. Cela pourrait venir en plus de ce que le chef de l’Etat a donné à travers le statut des personnels de santé. Nous croyons aussi que l’amélioration de la gouvernance au sein de l’hôpital, pour mieux partager les incitations disponibles par les textes actuels, doit permettre à ces personnels de se consacrer exclusivement à leur travail et d’honorer pleinement et avec dignité leur serment. En tout cas, la réforme ne se fera pas sans leur adhésion, sans ce déclic psychologique qui en est un facteur clé. Elle ne se fera pas contre les personnels de santé, mais plutôt avec eux. Nous comptons sur la volonté, l’ambition et la vocation de ces personnels qui travaillent dans des conditions parfois difficiles, mais dont la plupart est dévouée pour honorer le serment et les règles déontologiques de leur métier.

Cameroon tribune : Vous avez échelonné la réforme sur un échéancier de cinq ans. Quel est le chronogramme auquel on doit s’attendre après le forum ?

Urbain Olanguena Awono : Au sortir du forum, c’est d’abord le consensus sur le plan stratégique. Nous croyons que ce consensus interviendra. Après l’adoption du plan stratégique, les différentes recommandations qui vont se dégager des thèmes et des groupes de travail seront utilisées pour nourrir les douze chantiers de la réforme hospitalière qui suivront. Le premier bloc concerne trois chantiers : la réforme de l’accueil et des entrées ; la réorganisation des urgences ; la disponibilité permanente des médicaments essentiels et leur accessibilité financière. Je considère ce bloc comme le bloc de crédibilité. C’est à court terme. Par la suite, nous devrons continuer le travail avec d’autres chantiers pour réaliser le travail à moyen terme. Ces chantiers concernent les aspects institutionnels et juridiques pour les nouveaux cadres organiques. Puis l’amélioration de la qualité des soins, qui passe par la définition des protocoles et toutes les normes qu’il faut adopter. Ensuite la carte hospitalière pour une meilleure planification hospitalière et une meilleure organisation des partenariats, y compris les partenariats public/ privé. Le chantier du système d’information hospitalière suivra. Et nous n’oublions pas la question des ressources humaines, un enjeu-clé. La maintenance hospitalière aussi, car quand on investit dans la maintenance, il faut savoir que ce sont des économies qu’on réalise pour demain. Un plan de développement de cette maintenance est déjà en cours d’élaboration. Le chantier du financement adéquat de l’hôpital sera également ouvert. Je n’oublie pas les questions de formation et de recherche, ainsi que de santé publique que l’hôpital doit assumer. Il y a un atelier sur le service hospitalo-universitaire au Cameroun. Le chantier de la coopération, coopération inter-hospitalière, complémentarité entre les formations sanitaires… est aussi une grande priorité. Sans oublier le chantier de l’évaluation. Au niveau du département, la fonction de régulation doit être mieux assurée…

Cameroon tribune : Tout cela a un coût…

Urbain Olanguena Awono : Nous sommes en train de travailler sur l’évaluation globale du coût de la réforme. Mais il faut d’emblée vous dire que c’est une réforme lourde. Elle va s’échelonner dans le temps d’ici deux ans. On fera une évaluation à mi-parcours avant l’évaluation au bout de cinq ans. On mettra en place un programme et on cherchera les financements aussi bien auprès de l’Etat que de nos partenaires qui appuient cette réforme.

Cameroon tribune : Monsieur le ministre le coût, c’est des chiffres aussi…

Urbain Olanguena Awono : Pour l’instant, je ne peux pas donner de chiffres. Dès que nous avons les évaluations, je donnerai le coût.

ESSAMA ESSOMBA

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